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faut pas les sous-estimer
Je me rapproche d’un enclos de poules qui picorent, insouciantes. Tout à coup, ça caquète, s’agite, s’excite et elles foncent vers moi. Je suis d’abord flatté de l’effet produit mais en me retournant, à 25 mètres environ, un agriculteur se rapproche avec un bidon vert à la main.
Elles ont une bonne vue, les poules, faut pas les sous-estimer, elles ont repéré le bidon mais le bidon est vide, c’est pas encore l’heure de la soupe. Ça m’arrive aussi parfois quand je rentre à la maison.
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lui l’a à l’œil
C’est lui faire trop d’honneur que d’en faire un plat – au prix de la publicité dans les journaux – lui l’a à l’œil.
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l’auberge
Pour éviter de finir en ragoût, il vaut mieux se plier aux Injonctions de Celui que tout nomme.
Nous ne sommes en fait pas encore tout à fait sortis de l’auberge.
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Monsieur Hito.
Il m’avait dit s’appeler comme l’empereur du Japon, Hito.
Monsieur Hito est un passionné de photographie qui n’est à l’aise que perché sur son caddy, d’ailleurs remplis d’appareils photo.
Il semble donner des ailes à son Leica avec sa gestuelle entre Taï-chi et danse contemporaine.
Monsieur Hito.
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Konselediz !
Arnaud nous a aidé à couper 490 photographies pour le vernissage du 26 novembre, dès 17 heures à l’espace Fert, rue Barton à Genève.
Konselediz !
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Cruas
Ouvrier crucifié face aux trois cheminées de la centrale atomique de Cruas, en Ardèche.
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Un poème reconnaissance de dette
Prince Tanner a froid et veut acheter un manteau mais il n’a pas d’argent. Je lui trouve une belle laine, une bonne coupe, lui fais un bon prix. Cent au lieu de trois cent cinquante. Il est ravi.
Mais au moment de payer il dit :
Laisse-moi au moins vingt francs pour le repas. Je viendrais te régler plus tard.
Mais voilà qu’en route pour un plat du jour avec ma fille, on le retrouve princièrement installé chez DD.
Gêné, Prince Tanner griffonne vite un poème sur un bout de papier et nous le tend.
Un poème reconnaissance de dette qui vaut bien vingt francs !
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Et la promesse des images qui rend triste celle de l’assiette.
Dans un resto chinois avec l’ami G. Une tablette par table en guise de menu. Des écrans de commandes comme chez Mac Do pour l’emporter.
Quarante tables.
Une serveuse.
Deux clients.
Et la promesse des images qui rend triste celle de l’assiette.
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un surplus de réalité
En sortant de chez Payot, sur la place de la Fusterie, je m’attarde devant les étals de bouquins d’occasion. Je tombe sur Carnets 1978 de Cohen. J’ouvre le livre et lis :
Je me fais vite la raie avec mon peigne, devant la glace, pour que maman me trouve parfait.
En feuilletant le livre, quelques pages plus loin, je découvre cette note : Tu sais, je suis sûr que le vrai Claude est celui que tu as connu sous les flocons de neige… et j’aimerais tant le rencontrer à nouveau… Je t’aime. Cette déclaration égarée entre deux pages me décide de l’acheter et donne au livre de Cohen un surplus de réalité qui vaut bien les 5 francs qu’il m’a coûté.
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La réalité est bien plus facétieuse lorsqu’elle met son nez de clown.
Ramassé rue du Cendrier cette image écrasée par le passage des voitures, presque incrustée dans le goudron.
Elle a visiblement été décollée d’un album, reste au dos deux petits autocollants. Le tirage date de 2001.
Qu’est devenu l’enfant, encadré par deux oiseaux du paradis, qui tient à la main une coupe (de champagne) ? Il a l’air d’hésiter entre tristesse et sérieux comme pris dans les mailles d’un filet auquel il aimerait s’extraire. Mais ne peut pas, il est retenu. L’homme couché, trop jeune pour être son père, son frère peut-être, semble exhiber un papier : la conclusion d’un divorce ? un prix peut-être, un relevé bancaire ? Il a une chevalière sertie d’une pierre, à l’annulaire de la main droite.
Des Russes ? Fils d’oligarques planqués à Calvingrad. Trop simple. Trop vite résumé.
La réalité est bien plus facétieuse lorsqu’elle met son nez de clown.
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L
Hommage à K. et à sa femme E.
Jamais sans L
J’adore ce portrait de M. fait il y a à peine une heure à la surface duquel j’entraperçois se superposer la nostalgie de l’enfance avec l’étonnement d’avoir traversé la vie d’un trait, si vite. Comme si en regardant en avant il voyait en arrière. Double mouvement intercepté avec le filet du capteur. Je me souvenais d’une photographie de Kertész où une main entre dans le cadre. Une main d’homme, de femme ? je ne sais plus. C’est à partir de ce souvenir flou que je pars à la recherche de l’image originale et en réalité, c’est une main d’homme, le photographe, qui enlace par l’épaule une femme, sa femme, (Elisabeth) qui fait face à l’appareil photographique avec un sourire contenu. C’est un autoportrait en couple où Kertész se penche sur sa femme et semble capable, par la parole murmurée, de lui suggérer l’intensité de son sourire. (Sourire juste en deçà de celui, un brin plus ironique, de Mona Lisa). Dans la photographie de Kertész, Elisabeth offre un sourire qui n’en est pas un mais l’est quand même. Elle est pile à mi-chemin. Comme l’est ici M. C’est un portrait à mi-chemin. Entre le dehors et le dedans, entre ce qui a été et ce qui est, entre le presque grand âge et l’enfance, cette enfance qui rôde encore au fond du regard. Mettre en mots c’est compliqué. N’est pas Geoff Dyer qui veut ! Ni d’ailleurs Kertész.
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