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Fabien
J-L G. a dit un jour que la télévision « produit de l’oubli et le cinéma des souvenirs ». Parmi mes souvenirs de cinéma, il y a cette scène d’un film en noir et blanc, sans doute, dont le titre m’échappe complètement, au cours duquel un homme assis dans la cabine d’un train d’autrefois fait face à un autre, et je crois qu’à ce moment-là de la scène, cet homme qui porte un chapeau regarde le paysage à travers le carreau. Il se fait une réflexion, à part lui, dont nous-autres les spectateurs sommes directement les témoins. Cette réflexion, à propos de son vis-à-vis, dit : « Cela ne fait pas dix minutes que je le connais et je voudrais (ou pourrais) déjà être son ami. » Je ne sais plus s’il dit « voudrais » ou « pourrais ». Peu importe, au fond. Cette séquence m’est revenue car elle correspond à l’effet exact que le contact de Fabien, il y a trois semaines environ, puis deux ou trois autres fois ensuite lorsque j’ai eu l’occasion de le revoir, a produit sur moi. La première rencontre, je l’ai racontée ailleurs, il y a trois semaines, sur facebook – ce n’est pas très glam, FB, je sais… C’eut été mieux de consigner cela sur un cahier au papier vélin à fort grammage, mais on a les supports qu’on peut. Mais je m’égare.
Je me trouvais donc au croisement de la rue Marcadet et de la rue Eugène Carrière dans le 18e arrondissement ce matin-là, baignant dans la lumière rasante, orangée, celle qui vous rend aussi fébrile, quand vous êtes photographe, que le braque posté au détour du sentier à l’instant où le lapin détale par la gauche, pendant la balade. J’étais posté là, la truffe humide, attendant que quelque chose se produise, mais rien n’arrivant, j’allais tourner les talons, et Fabien est apparu avec un sourire inouï sur le pas de la porte de son bar-resto. Soit pile où je me trouvais. Je l’ai donc photographié, illico, sans lui demander son avis, rien. Trois fois. Imperturbable, Fabien est resté souriant, je l’ai remercié je crois, en tout cas dis bonjour, et suis parti sans demander mon reste, comme un voleur.
Lesté de scrupules assez rapidement, peut-être cinq minutes plus tard, je me suis dit in petto qu’il était hors de question de ne pas retourner au bar de ce monsieur – qui non seulement s’était laissé photographié sans moufter, trois fois, mais l’avait très bien pris. Trop rare pour ne pas être pris en considération. J’ai réalisé deux tirages de son portrait avec ma Canon et les lui ai apporté trois ou quatre jours après. Ça tombait de plus parfaitement, le Brio (c’est le nom du bar restaurant) étant sur le chemin du burlingue. C’est à ce moment-là que Fabien m’a appris qu’il pratiquait un art martial, et qu’il était le fils d’un designer très connu, Marc Held, non seulement designer, mais aussi fabuleux photographe. Fabuleux : je pèse mes mots, j’ai pu admirer le travail dans un livre préfacé par Agnès Varda. Voilà, s’il faut retenir deux choses de cela : allez au Brio, si vous êtes à Paris ou y venez. Je n’ai jamais eu un accueil pareil dans aucun autre patelin. Et voyez le travail de Marc Held. En tout cas moi j’y retourne.
C’est fait, et voilà la photo du jour.
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du photon! c’est ce qu’il nous font
zut j’allais oublier, voici ceci, en extra bonus (l’évocation d’un collectif photo)
https://vimeo.com/324857303
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à vélo!
Un jour sans, ou avec peu. Juste deux vélo, en passant : clic. En passant à pied. Sur le pont d’Joinville ! (94) Le dimanche, c’est pépère parfois.
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waouh
ou l’effet par l’onomatopée que m’a fait la vue soudaine de cette jeune beauté, à cet endroit.
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Tisseron et Plossu
Bien sûr ce ne sont ni Bernard Plossu, ni Serge Tisseron, sur cette photo (avant-dernière de la journée). Mais hier soir, j’ai éprouvé une joie intense en lisant le texte ci-dessous, déniché par un autre Bernard, M. Jolivalt. Il fallait le partager sur Une photo par jour.
Manifeste pour une École inférieure de la Photographie
L’École inférieure de la Photographie se fixe pour objectif d’encourager et valoriser les pratiques réputées inférieures de la photographie.
L’École inférieure de la Photographie soutient en effet qu’une photographie est d’abord un objet émouvant et à ce titre susceptible de nous mouvoir. C’est pourquoi elle porte le même intérêt aux images réalisées avec des appareils perfectionnés et à celles qui sont faites avec des appareils sur lesquels aucun réglage n’est possible, comme les appareils jetables en plastique ou les instamatics.
L’École inférieure de la Photographie bannit formellement l’usage de toute lumière artificielle organisée et agencée spécialement dans le but de la prise de vue.
L’École inférieure de la Photographie, parce qu’elle est inférieure, tient dans la plus haute estime toutes les activités réputées elles aussi « inférieures ». Elle valorise le jeu, traditionnellement réservé aux enfants, et le soin qu’une tradition machiste réserve aux femmes. L’Ecole inférieure de la Photographie défend que la photographie est d’abord un jeu et que l’on prend soin du monde et de soi en photographiant. La photographie pense et panse, celui qui la fait et celui qui la regarde. Sa posture est celle de l’empathie. Même quand la situation est désespérée, l’Ecole inférieure de la Photographie rend hommage à la beauté du monde parce que l’Ecole inférieure de la Photographie fait confiance à la beauté.
Dans le même ordre d’idée, l’Ecole inférieure de la Photographie est persuadée que les êtres réputés inférieurs font souvent les meilleures photographies et propose que tous les enfants en âge de cinq ans puissent disposer d’un appareil. Ils nous étonneront ! Elle défend évidemment avec la même énergie la photographie faite par les enfants, les machines, les artistes, les fous, les exclus et les marginaux de toutes sortes.
L’École inférieure de la Photographie fait passer avant toutes choses l’accompagnement du monde par ses images. On photographie par bonheur, indignation, souci de témoigner, de communiquer ou de dialoguer, toujours pour accompagner le mouvement du monde.
L’École inférieure de la Photographie, parce qu’elle est inférieure, ignore les distinctions subtiles des esprits qui se jugent supérieurs. Elle refuse la distinction entre l’image animée et l’image fixe, tout comme entre les bonnes et les mauvaises images. Pour elle, il n’y a que des images qui mettent l’esprit en mouvement et des images qui arrêtent le mouvement de l’esprit. Les secondes menacent d’arrêter le mouvement du monde, alors que celles qui mettent en mouvement l’esprit favorisent la reconnaissance et l’accompagnement du monde. L’Ecole inférieure de la Photographie est donc une école du mouvement.
Pour elle, une photographie réussie est une photographie qui met en route. Cela n’a rien à voir avec le fait que l’image bouge ou non. L’important, c’est le mouvement de l’esprit qui la regarde. C’est pourquoi l’Ecole inférieure de la Photographie reconnaît comme chef de file tous les marcheurs, les voyageurs qui pensent, écrivent et rêvent en marchant.
L’École inférieure de la Photographie, parce qu’elle est inférieure, fait évidemment passer la sensation qui relèverait du cerveau dit « inférieur » avant l’idée et le concept qui relèveraient du cerveau dit « supérieur ». L’Ecole inférieure de la Photographie est résolument reptilienne. L’Ecole inférieure de la Photographie se gausse donc de l’art qui se prend pour un aigle.
L’École inférieure de la Photographie, parce qu’elle est inférieure, a de la peine à comprendre la distinction entre différents genres d’images. Pour elle, les images n’ont pas de genre, elles sont toutes hermaphrodites.
L’École inférieure de la Photographie, parce qu’elle est inférieure, est très naïve. Elle pense qu’il n’y a pas de photographies « riches » et de photographies « pauvres ». L’Ecole inférieure de la Photographie, parce qu’elle est inférieure, soutient avec la même énergie tous les formats, y compris les tout petits, et tous les supports, y compris le papier journal.
L’École inférieure de la Photographie, parce qu’elle est inférieure, pense que tout le monde peut faire un jour une très grande, une immense photographie. L’artiste est celui qui se revendique tel et qui en a une reconnaissance sociale. Il peut réaliser un très grand nombre de photographies intéressantes, mais pas forcément une très grande photographie.
L’École inférieure de la Photographie, parce qu’elle est inférieure, n’imposera aucune cotisation élevée à ceux qui veulent en faire partie. Il leur suffit de partager les objectifs et les pratiques de ce manifeste.
Parce que l’École inférieure de la Photographie pense que son heure est venue.
L’École inférieure de la Photographie a été fondée le 10 juin 2011 à La Ciotat, la ville où les Frères Lumière ont inventé le cinéma.
Serge Tisseron a rédigé ce Manifeste, Bernard Plossu lui a donné son titre.
https://sergetisseron.com/photographie/manifeste-pour-une-ecole-inferieure-de-la-photographie/?fbclid=IwAR1v6GwtK_4-F-Wl4GClYI6Hbc15zlFGFlzSQeTDvRsR4XIn_S747rZA72I
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à l’heure du biberon
Pour l’anecdote, il ne fallait pas trop se rater aujourd’hui : parti ce matin en oubliant la batterie de secours, celle utilisée n’affichait plus qu’une barrette à la jauge. Après quelques photos, l’appareil est tombé en panne sèche. D’une certaine façon, je rejoignais la parcimonie de l’utilisateur de film 24 poses, pour qui chaque déclenchement est soupesé avec soin. Mais à l’inverse du zélote de la geste argentique mythifiée, cette relative déconvenue a davantage attisé chez moi l’angoisse de toute solution 24 volts de rechange immédiate qu’un quelconque processus créatif, mais bon. J’ai survécu !
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