Bertrand Russell

28/05/2020

Étant encore oisif en attendant la date de reprise de mon travail en juin, je parcours les rues, flâne, ne fait rien, mange, fait la sieste, et photographie. Le seul vrai luxe, au fond, c’est ça. C’est disposer de son temps (en ayant toutefois de quoi béqueter, bien sûr). Au moment de reprendre cette photo sur mon logiciel, je mets la radio. Qu’entends-je ? un sujet sur l’oisiveté. Bertrand Russell, sur France inter.

Extrait : « Autrefois, il existait une classe oisive assez restreinte et une classe laborieuse plus considérable. La classe oisive bénéficiait d’avantages qui ne trouvaient aucun fondement dans la justice sociale, ce qui la rendait nécessairement despotique, limitait sa compassion, et l’amenait à inventer des théories qui pussent justifier ses privilèges. Ces caractéristiques flétrissaient quelque peu ses lauriers, mais, malgré ce handicap, c’est à elle que nous devons la quasi totalité de ce que nous appelons la civilisation. Elle a cultivé les arts et découvert les sciences ; elle a écrit les livres, inventé les philosophies et affiné les rapports sociaux. Même la libération des opprimés a généralement reçu son impulsion d’en haut. Sans la classe oisive, l’humanité ne serait jamais sortie de la barbarie. (…) Il y aura assez de travail à accomplir pour rendre le loisir délicieux, mais pas assez pour conduire à l’épuisement… Les hommes et les femmes ordinaires, ayant la possibilité de vivre une vie heureuse, deviendront plus enclins à la bienveillance qu’à la persécution et à la suspicion. Le goût pour la guerre disparaîtra, en partie pour la raison susdite, mais aussi parce que celle-ci exigera de tous un travail long et acharné. La bonté est, de toutes les qualités morales, celle dont le monde a le plus besoin, or la bonté est le produit de l’aisance et de la sécurité, non d’une vie de galérien. Les méthodes de production, modernes, nous ont donné la possibilité de permettre à tous de vivre dans l’aisance et la sécurité. Nous avons choisi, à la place, le surmenage pour les uns et la misère pour les autres : en cela, nous nous sommes montrés bien bêtes, mais il n’y a pas de raison pour persévérer dans notre bêtise indéfiniment. »

Lien : https://www.franceinter.fr/culture/philo-l-oisivete-pourrait-sauver-l-economie-mondiale-selon-le-philosophe-bertrand-russell