droit à l’image

02/08/2019

Voilà Paris aujourd’hui sur les tourniquets à cartes postales. Elles sont belles les cartes, pas le problème. Mais en 2019, et dans n’importe quelle autre ville, on est toujours en 1950 (et en noir et blanc).

Je ne résiste pas à l’envie de publier ce texte, repéré lors d’une expo organisée par l’agence Magnum avec la Ville de Paris :

« Les Parisiens peuplent les photos de Capa, Riboud, Cartier Bresson,… illustrant leur quotidien, au café, à l’usine, dans la rue…. Des visages durs témoignant de l’âpreté des grèves des années 30, laissent place à des visages radieux au moment de la Libération de Paris. La guerre d’Algérie, les manifestations de mai 1968, la libération de la femme et l’avènement de la mini-jupe, tous ces moments marquants de notre histoire, tous ces combats ont été menés par des hommes et des femmes, célèbres ou anonymes, et ce sont ces visages que nous donnent à voir les photographes, ces visages pris sur le vif, sans artifice qui sont la mémoire sociale et politique de Paris.

Puis plus rien à partir des années 1990. Des ombres savamment exploitées pour masquer un visage, beaucoup de dos et de flous artistiques pour éviter un procès en droit à l’image. Les rues parisiennes sont vides, déshumanisées. C’est une ville fantôme qui s’offre à nous.

Depuis 15 ans l’Observatoire de l’Image alerte les pouvoirs publics, les magistrats sur les dégâts d’une interprétation jurisprudentielle souvent extensive de la protection de la vie privée prévue par l’article 9 du Code Civil brandi par les anonymes pour interdire la diffusion de leur image, mais surtout pour en tirer un avantage pécuniaire.

La conséquence, nous l’avions prédit, c’est le principe de précaution et donc l’autocensure chez les photographes et chez certains utilisateurs.

Nous avons la preuve de ce que nous redoutions. Le photographe ne photographie plus la rue, pas plus qu’il ne peut prendre et diffuser des images sur la vie quotidienne des individus, quelle que soit l’image qu’ils renvoient à la société.

La juste reconnaissance accordée souvent par le juge au droit à l’information ne concernant que l’actualité immédiate, notre vision du monde est depuis 20 ans, comme le montre l’exposition, enserrée entre une marque de fraîcheur et une date de péremption.

Clément Saccomani, Directeur Editorial de l’agence Magnum Photos s’en inquiète : « Il est évident que la loi doit protéger les gens, mais dans un monde où chaque jour, des millions d’images sont publiées sur les réseaux sociaux… la loi doit également évoluer. Les photographes, et les photojournalistes sont des professionnels consciencieux et dont le but est de nous informer… le problème n’est pas forcément pour aujourd’hui, mais surtout pour demain, quelle trace allons-nous laisser aux générations de demain ? Comment témoigner et raconter pour l’Histoire, la France post-Charlie, si nous ne pouvons plus la photographier ? Il faut toujours faire très attention quand l’autocensure pointe le bout de son nez… »

L’observatoire de l’image.

http://www.observatoiredelimage.com/