Comme toutes choses qui naissent d’un rêve…

30/12/2018

 

Comme toutes choses qui naissent d’un rêve…

…te voilà chère Sofia, c’est bien le nom que tes parents t’ont donné, te voilà parmi nous, parmi certains qui vont se réjouir de te voir grandir et que tu verras vieillir et qui, sans doute, toujours te paraitront vieux. Pourtant, pourtant eux aussi comme toi sont nés d’un rêve, comme toi ont appris le mot pomme, le mot caca, le mot citrouille, le mot papa, maman, les mots gentil, fourchette, arc-en-ciel, comme toi ont commencé à faire des phrases, des dessins, lire des livres. Te voilà parmi nous, parmi certains aussi qui t’auront vu faire risette, tenu la main quand tu apprendras à marcher et qui, quand tu seras grande, n’auront jamais existé pour toi autrement que dans les récits que tes parents te feront d’eux.

Cette lettre peut te sembler étrange mais voilà où je veux en venir. Il y a un homme, un homme plus grand que beaucoup d’entre nous réunis qui est parti le jour où tu es née.

Ce vendredi, rempli de belles choses, la plus belle c’était toi, ce vendredi nous avons décidé d’aller à la montagne mettre le nez au soleil pendant que toi tu pointais le tien dans la vie. Et joyeux nous marchions sur les crêtes du Jura, loin de la ville, au-dessus du brouillard. Une pensée furtive me traverse : Et Béné ? elle devrait accoucher… et c’est à ce moment-là que Sylvie, la femme de Nicolas, un photographe comme ton papa, nous annonce qu’Amos Oz vient de mourir. Je fais une photo du ciel, d’une feuille prise dans la glace, pense à lui, à ses livres dans lesquels il repose pour toujours. Si toujours existe.

C’était un homme d’espoir et de foi en l’Homme. Ce livre de lui pour toi, ce livre, mon livre, lu et relu, partout emporté, ce livre que je t’offre aujourd’hui est maintenant à toi…

Mais ton chemin vers ce livre est encore long. Il y aura d’abord l’histoire de la petite grenouille qui voulait être princesse, du chaperon rouge, et ces dizaines d’histoires que te liront tes parents et que toi, ensuite, liras*.

Laisse-moi dire, un peu pompeusement, que tu es l’espoir, celui que Oz toute sa vie aura défendu, et que l’espoir ne meurt jamais.

 

 

*peut-être que ce livre d’Oz se sera perdu pendant vos déménagements, peut-être qu’Oz ne te branchera pas du tout. Pas d’importance. Pour moi, toi et lui serez toujours associés dans ma mémoire.