700 kilomètres plus au sud

23/07/2016

  Quittons Gabriel et Juliette à Nyaungshwe où nous sommes restés une petite semaine pour rejoindre Rangoon par avion. Le chauffeur qui nous accompagne à l’aéroport nous raconte qu’en quatre ans les prix ont explosé. Notre petit hôtel, par exemple a triplé ses prix. Beaucoup vendent leurs terrains aux hommes d’affaires venus de Rangoon. Ils construisent des hôtels, ouvrent des bars, des restaurants. Beaucoup de gens de ma ville sont forcés de partir à la campagne à la recherche d’un terrain moins cher. Le tourisme amène de l’argent mais il faut le contrôler sinon les Birmans vont perdre leur sourire. 700 kilomètres plus au sud : Rangoon est moite, chaude et molle comme une tarte aux oignons trop cuite, tarte aux oignons qui pourrait contenir l’ensemble de la population suisse. L’interdiction faite aux motos et scooters de circuler et livre la ville à la bagnole, congestionne d’autant plus le trafic qu’il paraît déjà proche de la saturation. Plusieurs images : Une équipe d’ouvriers frappent, en cadence, à la masse, une structure en béton armé sur laquelle ils sont perchés. On dirait un nid de cigognes surpeuplé. Tâche qui semble absurde, même à vingt marteaux piqueurs. Bâtiments coloniaux qui pourraient servir de décors de films recouverts de lichen, où s’accrochent aux fenêtres des arbres, du linge et des antennes paraboliques, souvent bleues. Un homme se tient debout, pieds nus, au milieu de ciseaux, de tournevis, de clefs à molettes, d’emporte-pièce et de boulons rouillés. Un indien pétrit une pâte qui lui a mangé ses mains. Un papillon se pose sur le bras d’une vendeuse au moment où elle nous tend l’ananas qu’elle nous a préparé. Des couples d’amoureux, dans le jardin Mahabandoola, se cachent des regards sous leurs parapluies. Et puis cet homme avec sa planche, vite, on s’observe, qui semble poser mais déjà est happé par sa vie et moi par la mienne et semble à jamais figé dans un présent éternel.