Istanbul

21/12/2017

Solstice d’hiver.

La lumière revient, l’hiver aussi.

Dans le tram je vois une jeune femme se brosser les dents en tenant devant elle un petit gobelet blanc.

A l’hôpital, en salle d’attente, avec d’autres, un homme se dresse avec peine sur ses béquilles lorsqu’un jeune médecin lui demande de le suivre. La béquille droite lui échappe. L’homme se baisse avec peine sous le regard impassible de l’homme en blouse blanche.

Hé, ho le zigue, tu fais médecine par vocation !

Me murmure-je et replonge dans Cette étrange chose en moi.

Arrive le mien, de médecin, accompagné par un jeune stagiaire allemand.

-Qu’est-ce que vous lisez ? Me demande mon médecin tout en feuilletant mon dossier. Vous avez pris un gros livre, vous pensiez attendre longtemps ?

-Pamuk, vous connaissez ?

-Non. Qui c’est ?

Le jeune assistant sourit et moi j’en rajoute une couche.

-Il a eu le Nobel… en… attendez…

-2006, dit le jeune allemand en tripotant son stéthoscope comme pour s’excuser.

Et je lance tout en nous dirigeant vers le lieu de la consultation :

-Son roman, Le musée de l’innocence, vous l’avez lu ?

-Oui.

-Le musée à Istanbul, vous l’avez visité ?

-Oui.

Mon médecin traitant se planque derrière un écran et éructe des petits rires agacés. Mais avec élégance le jeune médecin stagiaire fait un pas en arrière et se tait.

-Vous aimez Genève ?

-Oui.

-Si vous voulez vraiment en savoir un peu plus sur notre histoire, qui nous sommes et où vous avez fait votre stage, vous devriez lire un très beau livre de Zweig… Conscience contre violence.

-Oui, je l’ai lu. J’ai deux passions, la médecine et la littérature…

 

Puis je vais au café, fêter le retour de la mobilité (restreinte) de mon épaule. Me rejoint une jeune femme dans l’arrière salle où je décide de finir le chapitre entamé à l’hôpital de Cette étrange chose en moi. Avec assez peu de pudeur, elle se met à raconter sa vie à son portable. Mais ça ne me gêne pas. Arrivent deux autres clientes et un couple. Ils papotent et sont joyeux. Mais voilà que ça agace la jeune femme au portable qui tout à coup, excédée, dit :

-Te rappelle, y a un de ces vacarmes ici !