Peut-être ne sais-tu pas que Rose-Marie

08/06/2023

Peut-être ne sais-tu pas que Rose-Marie, aussi farouchement indépendante que tu l’étais, se meurt à cent mètres des trottoirs que vous arpentiez.

Elle ne laissera rien, n’a pas de dernière volonté, ne sais plus qui elle est; la mort est assise sur le bord de son lit.

Je lui lirai ton poème MORT D’UNE PUTAIN que tu as écrit pour tes sœurs :

Enterrez-moi nue

Comme je suis venue

Au monde hors du ventre

De ma mère inconnue

Enterrez-moi droite

Sans argent sans vêtements

Sans bijoux sans fioritures

Sans fard sans ornement

Sans voile sans bague sans rien

Sans collier ni boucles d’or fin

Sans rouge à lèvre ni noir aux yeux

De mon regard fermé

Je veux voir le monde décroître

Les étoiles le soleil tomber

La nuit se répandre à sa source

Et m’ensevelir dans sa bouche

Muette la dernière couche

Où m’étendre enfin solitaire

Comme un diamant gorgé de Terre

Me reposer dormir enfin

Dormir dormir dormir dormir

Sans plus jamais penser à rien

Mourir mourir mourir mourir

Pour enfin rejoindre ma mère

Et retrouver dans ton sourire

L’innocence qui m’a manqué

Toute une vie à te chercher

Te trouver pour pouvoir te perdre

Et te dire que je t’aimais

17 avril 2005 – Les Sphynx – Éditions Gallimard, Collection Verticales