Antoinette, Bill et Léonor.

08/04/2019

Antoinette, Bill et Léonor.

Me voilà pendant bien vingt minutes à guetter Bill, sa belle gueule, son menton volontaire, ses cheveux courts soignés. Bill porte sur le dos un sac de l’armée américaine kaki, et en bandoulière un amplificateur de voix. Il proclame l’amour du Christ à plein tube. Il est mort pour vous, sur la croix, il vous aime. In English of course, brame-t-il au milieu d’une indifférence générale. Alors arrive Antoinette qui s’est fait virer de chez elle parce qu’elle n’avait plus les moyens de payer son appartement. Fait l’aumône pour pouvoir passer une nuit après l’autre à l’armée du Salut. Elle regarde Bill, mais Bill ne la voit pas, trop absorbé à dispenser l’Amour immense dont il est le dépositaire. Tout occupé aussi de filmer avec sa GoPro fixée sur une des brettelles de son sac à dos. Bill doit aimer le cinéma. A moins que….

Je rengaine mon boitier, galope vers Le Passage des Lions et là je sais que fidèle toujours elle m’attend, m’apaise, avec une candeur qui me fait à chaque fois rougir. Je sais qu’elle n’est là que pour moi. Mais pas cette fois. Un zigue la zieute. Je crie, casse-toi, laisse-la. Fous la paix à Léonor. Mais rien à faire. Il ne bouge pas et Léonor continue à sourire au mec qui la regarde. Je suis sûr qu’il est encore là-bas, à se raconter des trucs, dans Le Passage des Lions.