Joyeuse et festive.

07/05/2018

Début de journée :

Joli couple au supermarché.

Milieu de journée :

Elle me répond avec la lascivité des tout-en-rondeur avec en prime un détachement par lequel elle me fait savoir : …suis payée mille deux cents euros, déjà largement amortis par ce que j’ai donné à mon patron. En clair : rien à foutre que tu sois bleu, vert ou arc-en-ciel. Je compatis. Mais voilà qu’il faut qu’elle sorte la tête de l’ornière. Y a plus de cartons pour emballer mes deux tartes. Elle ne peut plus m’offrir un service minimum agrémenté d’un vocabulaire de 12 mots – dont juste une seconde sonne faux. Je proteste mollement et enfin ça la fait me regarder. Je vais emballer vos deux tartes dans un sac en papier, vous verrez ça ira. Nos fournisseurs de boîtes à tartes (soit sont en grève, ou n’ont pas honorés nos commandes, ou… s’en foutent) ne nous ont pas livré. On est dix heures du mat. Merde. Je dis : non, suis à pied et ne peux pas transporter quatre baguettes et deux tartes dans des sacs en papier. Elle disparaît sans un mot.

Me passe alors par l’esprit, pour m’occuper pendant qu’elle cherche peut-être une solution, la vitre brisée de l’entrée du Supermarché par une voiture, il y a deux mois près de l’ascenseur, toujours pas remplacée ; me vient à l’esprit le barrage de palettes dressées maintenues par des pieux pour que les clients ne coupent pas à travers champ ; me vient à l’esprit, ou plutôt aux oreilles, la sirène du Supermarché (le meilleur marché, c’est eux qui le disent) qui se déclenche tous les quarts d’heure au milieu de la nuit. Me vient encore à l’esprit, alors que j’attends toujours, cet homme accoté à la boulangerie et qui tend un gobelet blanc, appuyé avec le coude sur une pile de pains que les clients ont dû lui donner.

Chaos ? Mais non, mais non, mais non. Je vais m’efforcer de sourire, d’être avenant avec mon prochain, de partager mon pain…

…mais voilà que la donzelle m’arrache à mes rêveries de consommateur solitaire. Elle m’aborde en tirant sur son T-shirt noir enfariné avec une pudeur que je prends presque pour une excuse. Elle est suivie d’une jeune femme, une gradée, ça se voit à sa démarche, qui prend une boîte à tarte trop petite pour ma tarte. L’autre l’observe attentivement. Je dis à la volée : Mademoiselle a déjà essayé, c’est pas la taille, mais la gradée ne pipe mot, ne lève pas la tête et déchire les coins du carton, et enfourne derechef les fraises dans cet emballage improvisé. Jette un œil à la grassouillette et clôt notre relation commerciale par : Et voilà !

Fin de journée :

Joyeuse et festive.