Univers parallèle

29/11/2015

Il me reste une dizaine de minutes pour raconter : nous sommes en pleine panne d’électricité et, ce soir, pour du sérieux… Les autres soirs, ce n’avait pas trop duré. Ce soir, c’est pour de bon et dans toute la ville depuis plus de cinq heures. Souvent, c’est par quartier. Maintenant c’est partout et depuis bien quelques heures. C’est dimanche. Les pannes sont plus fréquentes ces jours derniers. Je pense à des hypothèses, cela d’autant plus qu’il n’est pas nouveau, pour moi, le phantasme d’un futur sans électricité. Si c’était un attentat des Schbebs somaliens contre l’Ethiopie financé par la France ? Quelle sera la situation dans 12 heures si la panne se prolonge ? Plus qu’une dizaine de minutes, dit mon ordinateur, et c’est à la main et à la lumière des bougies que je poursuivrais ce texte. Déjà j’ai froid. Un nescafé chaud sucré au lait condensé me ferait plaisir et me réchaufferait. Si l’électricité revient... Il y a comme un air de sérieux, cette nuit à nouveau noire comme elles le furent toutes, les nuits de nos ancêtres jusque dans les années vingt et la venue de l’électricité. Son absence, c’est pourtant un pas en arrière pour l’électronique et les ordinateurs. Depuis des millénaires, l’espèce humaine se développe et perdure… et pense… et chante ensemble. Aujourd’hui, on chante moins. Maintenant, me dit ma machine, il n’y a plus que 10%...  10% de combien ? J’ai entrevu un éclair, qui n’est pas à un phare de voiture mais pendant un centième de seconde, deux brefs éclairs restés sans suite. Après combien d’heures de panne réfléchit-on à sa survie… peut-être en s’échappant comme des millions d’autre dans une ville de 6 millions d’habitants. Fuir à la campagne ? Fuir à l’étranger alors que l’aéroport a fermé suite à l’afflux incommensurable des riches et des étrangers voulant partir. Marcher jusqu’au Soudan? Vivre à la campagne, sans eau courante, sans électricité comme nos ancêtres l’ont fait pendant des milliers et des milliers d’années… Puis l’électricité revient, et la Princesse au Bois Dormant s’éveille : tout soudain s’anime et revit… Maintenant, le courant est revenu et, à 11 heures, toute la vie a repris son cours. Moi je vais aller me coucher, l’âme en paix au retour du courant électrique.