dégazage

17/08/2018

Le Jabron est une petite rivière qui coule à Montélimar et au bord de laquelle se trouvait récemment encore un chemin de terre long d’environ cinq kilomètres, menant à une petite commune voisine, Montboucher-sur-Jabron, située à l’est de Montélimar. Cette bande de terre inaccessible aux bagnoles et aux motos – mais avec accès secours – était parcourue par les promeneurs, coureurs à pied et vélos, par des solitaires et des familles tranquilles, qui allaient et venaient en pleine ville dans un espace vert à peu près naturel, sans que l’œil ne se heurte à un élément de pollution visuelle trop gênant. N’était les inévitables sachets de chips ou canettes alu abandonnés à terre par les habituels suidés à deux pattes, l’endroit permettait de retirer une sensation de nature non négligeable dans cet univers de goudron et de béton qu’est une ville, même moyenne.

Mais voilà, « soyez absolument modernes – comme Rimbaud -, soyez nomades et fluides ou crevez comme des ringards visqueux ! » observait Gilles Châtelet dans Vivre et penser comme des porcs, en 1998, résumant un des mots d’ordre ambiants. Las, et en dépit de pétitions de riverains atterrés, il ne fallait qu’aucune parcelle de terre n’échappe à la règle. Car il convient que chacun puisse circuler, ne rencontre nulle entrave, soit fluide. Il fallait ainsi dégazer sur ce qu’il restait de nature dans la cité, et on dégazai. Ainsi a-t-on ici en lieu et place d’un chemin qui convenait à quiconque souhaiter y passer, une bande de goudron de cinq kilomètres de long. Énorme coup de feutre noir ineffaçable, défigurant cet espace, évoquant désormais n’importe quelle aire de repos d’autoroute. On s’est pris alors à songer, en rentrant, à ces graffs importuns que par ailleurs, les édiles ne manquent jamais de fustiger et d’effacer, au nom de la propreté bien sûr…