son fourbi

13/09/2020

J’ai croisé ce monsieur en revenant des courses, l’appareil dans une main, le sac dans l’autre. C’est un gars que je connais à peine et pourtant je l’aime bien. La causerie s’engage. Je refile en douce le sac à ma dulcinée, qui se montre patiente, et tout en causant je me mets à le photographier. Il se marre. Si j’ai bien retenu, il bossait jadis comme bouquiniste sur les quais parisiens. Je lui ai déjà tiré, et offert son portrait en A4 sur papier mat au moins deux fois. Il furète souvent à moitié dissimulé dans un garage ouvert de plain-pied sur le trottoir, qui laisse entrevoir un fourbi monstre que n’importe quel gosse rêverait d’annexer sur le champ pour en faire un fabuleux trésor. Me suis demandé ce qu’il pouvait bien stocker là, il y a de tout. Un genre de collectionneur… Il me dit avoir un copain qui possède tout un tas de matériel photo antique, plus ou moins antique, qu’il devrait récupérer, bientôt, et auquel il ne pige rien – et il aimerait avoir mon avis. Sur quoi ? Il ne sait pas trop. Il me demande ce que j’utilise. Je lui réponds que c’est du numérique, un boitier sans film. « Ha bon ? et c’est plus récent, ou plus ancien que les appareils à film ? » Je lui dit que je regarderais volontiers ses appareils et objectifs, à l’occasion.  Qu’il peut aussi voir de quoi il retourne sur Internet. Il ne veut pas vendre, rien du tout, c’est pas pour ça, c’est juste pour la curiosité. Et c’est pour parler, là. Il ajoute : « On se parle plus aujourd’hui ! Internet ? sûrement pas ! Moi ça me fait plaisir les  rencontres dans la rue ! Les gens y-z-ont peur même de leur ombre !  » Et je songe soudain à cet écrivain, Jim Harrison je crois, dans un entretien filmé, levant un verre, déplorant d’un air accablé, en hochant, qu’un jour, on n’en serait plus qu’à boire des bières électroniques avec des ectoplasmes connectés.