20 piétons priorité

12/06/2020

Le photographe souvent recherche l’épure. Son obsession est d’éliminer l’inessentiel. Ne pas encombrer l’image d’artéfacts peu flatteurs, balafres, potelets anti stationnement, verrues et voitures. Paris est en réalité restée infestée de voitures. Cette ville comme la plupart n’est pas exactement le doux paysage des peintres, l’endroit calme, la toile reposante d’un Monet, d’un Caillebotte où l’âme vagabonde arpentant ses rues s’enivrerait au cours de ses balades d’une douce ataraxie. Le monde a bien changé, ou plutôt, non, pas trop. Le piéton y sniffe le remugle du fioul, subit les vociférations klaxonnières d’ânes montés sur véhicules 4X4 pressés, est comprimé dans la multitude, sur le trottoir, dans le métro, pourquoi ? Car il faut faire place nette au motorisé, seul au volant, encapsulé dans sa tonne et demi d’acier. La voiture devrait ainsi (nausé)abonder encore longtemps dans le monde d’après. On a eu la chance d’y échapper ici, de temps en temps, on y échappe : soudain une rue devient calme. Pas bien longtemps. C’est que sans voiture, pas de reprise. Sans reprise, pas de croissance. Sans croissance, pas de richesse. Et sans richesses, pas de pauvres pour aller à l’usine fabriquer des bagnoles. La boucle est bouclée, chacun est à sa place, reste à savoir ce que le climat réservera à cette logique de fou. Mais c’est encore une autre histoire…