Clic, clic, zip et ratata

19/08/2016

À chaque fois qu’il en avait fini avec moi, je me disais, il ne met pas de cœur dans son boulot. S’il était cuisinier, il raterait ses sauces. J’étais à la fois fâché contre sa nonchalance et amusé d’en avoir rien à fiche pour finalement toujours retourner chez lui. Me voilà gîtant à gauche, surchargé d’une touffe mal équarrie, les favoris qui battent de l’aile. Et cette fois, merde, j’ai une tête d’instructeur de l’armée suisse.  Une autre fois d’un punk qui aurait décidé de se faire une raie au milieu de la crête.

José, en plus ne me parlait que par onomatopée.

-Boof, heu, pouf, pouf, etc. et regardait par la fenêtre en faisant cliqueter le ciseau.

Parfois quand la conversation prenait un ton plus personnel, il lui arrivait de dire : Oui, non, peut-être, je ne sais pas.

-Tes enfants vont bien José ?

-Si !

Clic, clic, zip et ratata, trente-cinq francs, merci, salut, à la prochaine.

Et finalement je me suis fait à lui comme lui à moi pendant presque trente ans.

Quand la retraite l’a finalement rattrapé, j’ai pensé que José allait me manquer. Puis j’ai rencontré Marcello, qui lui sauve les meubles avec plus de brio, des phrases plus longues, mais  pour dix francs de plus.

Je tombe sur José aujourd’hui :

-Salut José, ça va ta retraite ?

-Si !

-Qu’est-ce que tu lis ?

-De la poésie.

Clic, clic, zip et ratata. Quel dommage de ne pas l’avoir su trente ans plus tôt on aurait pu communiquer par Haïku.