Chambre 620

16/12/2015

Vous suivez la ligne bleue, prenez l'ascenseur  de gauche, montez au huitième. Annoncez-vous à l'infirmière me dit une plaquette collée sur la 620. Ça fait bien trois ans que je ne l'ai pas vu. Autour du panneau SOINS INTENSIFS pendouillent des boules de Noël. Je suis tendu, mes mains tremblent. Vous pouvez y aller, mais ne vous approchez pas du lit, ne touchez pas le malade. Bonheur de le voir sourire, sa femme aussi. Ce que nous disons n'a aucune importance. Seule la présence compte. Pourtant il me parle de la sortie qu'on lui permettra pour Noël. Deux jours seulement. Me dit sa femme. Trois répond-t-il . Elle sourit. En ambulance jusque dans sa maison dans les plis du Jura. Je préférerais y aller avec mon 4/4, il est très confortable, c'est un Pullman. Une autre personne. Je me lève. L'embrasse, il ne faut pas. Tant pis. La ligne bleue. La sortie. Sur mon deux-roues, pense à nos voyages, à la Namibie. Trois ambulances, en barrage, bloquent la route. Nous défilons comme on défile à un enterrement pour saluer la famille. Un manteau de fourrure est en boule à quelques mètres d'une femme immobile. Puis pris par le flux, jeté vers ma journée. Un jeune casqué d'écouteurs traverse avec une nonchalance admirable un troupeau de voitures qui rugit. Comme si la vie lui était égale alors que dans la chambre 620 Elle est si précieuse.