Lucie
46° 59' 23.95" N – 6° 55' 45.38" E
06/03/2016
La première fois que j’ai écrit
Une blancheur sans défaut me faisait face. C’était un blanc qui faisait douter, un blanc qui
gêne, un blanc moqueur ; comme si la feuille vierge me mettait au défi de la colorer, de
troubler sa perfection.
Maintes fois la robe prenait quelques teintes grises. Cependant la blancheur
macabre revenait rapidement. A force d’essais, d’usure et d’acharnement, le papier
perdait de sa blancheur majestueuse, se pliant à quelques endroits. A présent, le blanc
n’avait plus rien de reposant, il en devenait même sale. Un énième trait apparut sur le
haut de la feuille, persuadé de n’y rester que quelques instants. Il attendit sa sentence,
immobile, fébrile. Mais rien de vint. L’étonnement fit place sur ses traits à l’espoir : ses
petites courbes grises étaient bel et bien restées. Tournant la tête à droite, il cru à un
mirage lorsqu’il vit que d’autres mots apparaissaient. A présent, la main se déplaçait
gracieusement sur la feuille, laissant sur son passage des arabesques qui hurlaient la
sincérité.
Le trait était là où il devait être. Il avait la taille adéquate, le nombre de lettre
parfait et la bonne sonorité. Rapidement, la tunique blanchâtre prit gaiment des nuances
de gris. Les phrases s’enchaînaient joyeusement, ravies d’être ici, parlant à leurs
voisines. Les majuscules se dressaient fières, sous le regard émerveillé des points. Les
virgules apportèrent de l’oxygène tout en poussant de longs soupirs de satisfaction.
Puis vint le dernier mot, petit, fébrile, peureux. Il fut accueilli à bras ouvert par le
texte. Il était la fin. Il était le début. Il était là. Le temps sembla s’arrêter. Tous les mots
retinrent leur souffle. Allaient-ils être effacés comme nombreux d’entre eux
ultérieurement ? Le crayon forma un arc de cercle aussi gracieux qu’une feuille glissant
sur un torrent. Puis, enfin il se posa et les mots purent sourire.
Lucie